L’annonce de la grossesse multiple

 

image_2021-05-02_133539.pngUn tsunami émotionnel : l’annonce de la grossesse multiple

 

S’il y a bien un moment dont nous nous souvenons tous, nous, parents de multiples, c’est celui où on nous a annoncé que nous n’attendions pas un mais deux, voire trois bébés d’un coup ! Evènement fondateur, d’intense émotion, qui restera gravé dans notre mémoire à jamais !

Autrefois, à l’époque de nos grands-mères, on apprenait qu’on avait des jumeaux au moment de leur naissance. Même pas le temps de s’y préparer ! Plus tard, avant l’essor de l’échographie dans les années 80, c’était en général lors d’une radio de contrôle peu de temps avant l’accouchement, qu’on le découvrait. Aujourd’hui, grâce à l’échographie, on le sait dès le début de la grossesse, au plus tard à la première échographie obligatoire des 3 mois, et parfois à moins d’un mois de grossesse ! Et il faut bien tout ce temps ensuite pour se préparer à l’arrivée de ses multiples.

Le choc gémellaire

L’annonce de la grossesse multiple provoque presque systématiquement un véritable choc. Cela porte un nom, même, on appelle cela le choc gémellaire. La gynécologue est souvent la première embarrassée, au moment de l’annoncer, ne sachant pas comment les parents vont réagir. Nous nous souviendrons toute notre vie de la manière dont elle nous le dira, parfois avec maladresse, ou à l’inverse avec beaucoup d’humanité et de bienveillance. Car cette annonce lui demandera beaucoup d’écoute envers les parents. Elle devra consacrer plus de temps aux parents pour leur expliquer avec tact les différences avec une grossesse simple, et les éventuels risques du syndrome transfusé-transfuseur, ou la réduction embryonnaire. Chez les parents, passé la première étape de stupeur, la réaction varie beaucoup d’une personne à l’autre. La réaction ne sera pas la même, suivant qu’il s’agit d’une première grossesse très attendue, s’il y a déjà des frères et sœurs, si les bébés arrivent dans une famille recomposée nombreuse, si le père est absent, que ce soit pour des raisons professionnelles sur de plus ou moins longues périodes, ou s’il est tout bonnement parti, si les parents sont dans une situation socio-économique difficile, ou au contraire aisée… L’histoire de cette grossesse débutante (fausses couches antérieures, recours à la PMA, …), l’histoire des parents (famille de jumeaux, …), tout cela va faire que pour certains, l’annonce de cette grossesse multiple se traduira par une explosion de joie, ou à l’inverse, par une très grande anxiété, voire comme le ciel qui nous tombe sur la tête.

Pour certains, effectivement, une telle nouvelle s’apparentera à une véritable catastrophe ! Ça n’est pas la vie de parents dont ils avaient rêvé. Ils ne veulent pas de cette vie aux contraintes beaucoup plus lourdes que s’ils n’avaient eu qu’un seul bébé à la fois. Ces futures mamans-là doivent faire le deuil de la relation fusionnelle qu’elles avaient imaginée avec un enfant unique. A la colère et à la tristesse (« Pourquoi est-ce à moi que cela arrive ? ») va s’ajouter la culpabilité d’éprouver de tels sentiments à rebours des injonctions collectives. C’est pourtant une réaction normale, qui fait partie du processus d’acceptation, et c’est en apprenant à accepter leur propre réaction que les parents finiront par digérer la nouvelle.

Pour d’autres, complètement abasourdis, c’est l’incrédulité qui domine. Cette sidération, qui réduit au silence et coupe littéralement la parole, arrive en général quand on n’avait absolument pas anticipé une telle nouvelle. On reste coi, sans voix, le temps de la consultation, voire pendant plusieurs jours…

Il y a ensuite celles qui, au fond d’elles-mêmes, ne sont pas étonnées. Une intuition profonde, des symptômes plus forts, une analyse de sang avec des valeurs au taquet, ou… un désir tellement fort, tout cela peut forger une conviction qui sera confirmée par l’échographie. « Je le sentais », disent-elles. En général (pas toujours), ces femmes sont heureuses de la nouvelle !

Et puis, il y a les euphoriques, ceux qui rêvaient d’avoir des jumeaux, ou ceux qui se désespéraient d’avoir des enfants, alors 2 d’un coup, vous pensez bien…, ou ceux qui rêvaient d’une famille nombreuse, ou ceux qui sont heureux à l’idée de vivre une aventure hors du commun… A défaut d’enfant unique, ce sera cette aventure, qui sera unique, et ils se réjouissent de ce bonheur en double ou triple qui s’annonce.

 Comment) va-t-on y arriver ?image_2021-05-02_133625.png

Beaucoup d’émotions vont se bousculer, avec malgré tout un mélange de joie et d’angoisse. L’anxiété prédomine souvent au début, et une foule de questions surgissent au moment de l’annonce. Déjà, une grossesse multiple est une grossesse plus à risque que les grossesses de singleton. Puis, viennent les questionnements sur la logistique : il faudra probablement changer de voiture (question du Papa en général), voire de maison… Le budget familial va-t-il être suffisant, avec deux ou trois fois plus de dépenses ? Le congé maternité sera plus long, et une longue absence peut être plus compliquée à gérer vis-à-vis de son travail. Voire, il faudra arrêter de travailler. Mais surtout, c’est l’appréhension des nuits blanches, de la fatigue, du double ou triple de tâches… Une multitude de questions qui se résume en une seule, centrale : Va-t-on y arriver ???

image_2021-05-02_134437.pngCette phase d’anxiété peut se produire sur l’instant, au moment où on apprend qu’on attend plusieurs enfants, ou à retardement, dans les jours qui suivent. A cela s’ajoute une phase de renonciation à son rêve d’un seul bébé et à tout ce qu’on avait imaginé de cet enfant à venir… car il faut raisonner au pluriel, désormais !

Les plus optimistes se sentiront rapidement prêts à relever le défi, tout à la joie d’être bientôt parents de plusieurs enfants d’un coup, conscients et fiers de démarrer une aventure extraordinaire. Les plus angoissés peuvent, à l’inverse, complètement sombrer, et l’arrivée des bébés risque d’être difficile. Pour tous les parents, en tout cas, quels qu’ils soient, le besoin de recevoir des conseils, de recueillir l’expérience d’autres parents ayant déjà vécu cette aventure est prégnant, et c’est là que l’Association Jumeaux et Plus joue un rôle prépondérant. La question du « Va-t-on y arriver ? » se transforme alors en « Comment va-t-on y arriver ? », et les premières réponses commencent à se profiler.

L’annonce à l’entourage

La famille non plus n’est pas épargnée par le choc gémellaire. Le futur Papa, en première ligne, qui a assisté ou pas à l’échographie, peut aussi subir cette phase de sidération, voire de panique, qui peut conduire malheureusement parfois à une fuite de l’intéressé. Mais le plus souvent, c’est une grande fierté, mêlée à une grande joie, qui vont l’animer, et c’est alors lui qui va rassurer le premier la future maman. Vont vite se succéder des questions pragmatiques avec presque systématiquement celle de la taille de la voiture, qu’il va falloir peut-être changer ! Après le futur Papa, vient ensuite souvent la meilleure amie, à qui on peut toujours tout confier dans les moments où on se sent perdue ou désorientée. Enfin, l’annonce aux grands frères ou sœurs est une autre étape importante, qui demande là aussi du tact et de l’écoute : si l’aîné avait demandé un petit frère ou une petite sœur à ses parents, il n’avait pas forcément envie d’en avoir deux d’un coup !

Quant au reste de l’entourage, rares sont les futurs parents qui attendent prudemment 3 mois avant de le leur annoncer. En général, les couples n’arrivent pas garder une telle nouvelle rien que pour eux, ils sont trop submergés par tout ce qu’ils ressentent, et vont sans tarder en parler autour d’eux. Ceux-là viennent le plus souvent chercher du soutien auprès de leurs proches, mais ont aussi terriblement besoin d’extérioriser et de partager ce trop-plein d’émotions très fortes et contradictoires. Des messages de félicitations vont fuser, à la hauteur du choc gémellaire que les membres de l’entourage vont eux-mêmes éprouver. Mais les futurs parents n’échapperont pas non plus aux remarques déplacées, de ceux qui vont les plaindre alors qu’ils attendent plutôt des paroles de soutien, encourageantes, ou de ceux qui vont leur dire avec un tact sans nom « Je préfère être à ma place plutôt qu’à la vôtre ! ». Autant réfléchir à deux fois avant de choisir à qui l’annoncer en premier, et attendre si nécessaire de savoir se protéger des remarques blessantes que nous entendrons inévitablement.

Pour tous ceux-là, nous prendrons notre revanche, lors d’une autre annonce qui arrivera dans quelques mois, l’annonce de la naissance de nos multiples. Et là, pas de sidération, pas de remarque déplacée, c’est la joie et l’émerveillement devant ces petits êtres attendrissants qui l’emportent ! Entretemps, nous aurons eu le temps de nous préparer à leur arrivée après l’annonce si marquante de la grossesse gémellaire, et nous pourrons alors apprécier le bonheur démultiplié que nos bébés nous offrent malgré la fatigue inévitable qui nous attend.

V.B.

Dossier réalisé grâce au Multipl’Info n°27 du mois de juin 2015, et à l’ouvrage de Muriel Descamps « Des jumeaux, quelle aventure ! » (Editions J. Lyon)

Merci également à Papa Cube