Monozygotes ou dizygotes : quel est le vrai du faux ?

 

image_2021-01-31_213233.pngMonozygotes, dizygotes, trizygotes, et pourquoi pas aussi ostrogotes ou wisigoths… ? quels sont donc ces noms barbares qu’on nous répète dès que la naissance de nos jumeaux et plus s’annonce ?!

Les jumeaux monozygotes, ce sont ceux qu’on appelle communément les « vrais jumeaux ». Les jumeaux dizygotes, ou même trizygotes pour certains triplés, ce sont ceux que l’on appelle aussi les « faux jumeaux ». Ces termes de « vrais » et « faux » jumeaux sont assez désobligeants pour nos jumeaux dizygotes, il faut le dire ! Dans les autres langues et chez nos amis les canadiens, on emploie des termes qui sont beaucoup moins péjoratifs, qui ont beaucoup plus de tact : jumeaux identiques pour les monozygotes, et jumeaux fraternels pour les dizygotes. Je vous propose que désormais, on garde ces deux termes, plutôt que ceux de vrais et faux jumeaux.

Zygote veut dire « œuf ». Les jumeaux monozygotes sont issus de la scission d’un seul et même œuf (mono – 1 seul, zygote – œuf) les premiers jours après la fécondation, et qui donne deux œufs identiques. Suivant le moment auquel l’œuf s’est scindé dans l’utérus après la fécondation, il y aura deux placentas, ou un seul placenta pour les deux jumeaux (cas le plus fréquent), voire exceptionnellement, un seul sac amniotique. Les jumeaux monozygotes partagent le même patrimoine génétique, ils ont le même ADN, et c’est parce qu’ils ont a priori exactement les mêmes gènes qu’ils se ressemblent de manière (quasi) identique. Des jumeaux identiques seront forcément de même sexe.

 

 

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Différents types de jumeaux en fonction du type de grossesse et du moment où l’œuf se scinde en deux. Une grossesse est dite bichoriale si elle comporte deux placentas (cas des jumeaux dizygotes, ou des jumeaux monozygotes avec scission de l’œuf très précoce), et monochoriale, quand il n’y a qu’un placenta (scission de l’œuf vers 3 à 7 jours minimum) ; la grossesse est dite bi-amniotique quand il y a deux sacs amniotiques différents (un pour chaque bébé), et mono-amniotique quand il n’y a qu’un seul sac amniotique pour les deux bébés (division de l’œuf plus tardive, cas plus rare).

Les jumeaux dizygotes (di – deux, zygotes – œufs) représentent plus des 2/3 des jumeaux. Ils sont issus d’une ovulation multiple, où 2 ovules (parfois 3 pour les trizygotes…) sont fécondés chacun par un spermatozoïde. La présence d’au moins deux œufs simultanés peut aussi résulter d’une procréation médicalement assistée (PMA), soit du fait d’une stimulation ovarienne, soit par implantation de plusieurs œufs lors d’une fécondation in vitro. Les fœtus auront chacun leur placenta. Des jumeaux fraternels se ressemblent autant que des frères et sœurs nés individuellement, et partagent environ 50% de leur ADN. Ils peuvent être de même sexe ou de sexes différents.

Une grossesse avec deux placentas (bichoriale) ne veut donc pas forcément dire que les jumeaux sont dizygotes : au moins 10% des grossesses avec deux placentas concernent des jumeaux monozygotes, identiques, dont l’œuf s’est clivé très tôt, 2-3 jours maximum après la fécondation. Si les jumeaux, de même sexe, une fois nés se ressemblent beaucoup, un test génétique de « zygosité » permettra d’affirmer s’il s’agit de jumeaux identiques ou fraternels.

« Et il y a d’autres jumeaux, dans votre famille ?? »

La raison pour laquelle un œuf va se cliver en deux est un vrai mystère. On sait juste que la fécondation in vitro a tendance à favoriser la scission en deux de l’œuf. Hormis cela, le taux de jumeaux monozygotes dans le monde reste relativement constant, et homogène dans tous les pays et toutes les communautés.

 

image_2021-01-31_213430.pngEn revanche, la probabilité d’avoir des jumeaux dizygotes dépend de nombreux facteurs : le recours éventuel à la PMA, bien sûr, mais aussi l’ethnie (davantage de jumeaux en Afrique, moins en Asie), l’âge de la mère, peut-être l’âge du Capitaine, la saison (Oui, oui ! davantage de jumeaux quand la conception est en été), et… la génétique ! Quel parent de multiple n’a pas entendu au moins une fois l’éternelle question : « Et il y a d’autres jumeaux dans votre famille ? » ? Contrairement aux jumeaux monozygotes, l’apparition de jumeaux dizygotes a parfois un caractère héréditaire, par le biais des mères (si c’est dans la famille du Papa qu’il y a des jumeaux, ça n’aura pas d’influence). Si vous avez des jumeaux dizygotes, cherchez donc du côté de vos mère, tantes maternelles, grand-mères, cousines, etc… et vous trouverez peut-être bien cette tendance familiale à avoir des jumeaux (dizygotes) !

« Et ils se ressemblent beaucoup, vos jumeaux ? »

Les jumeaux monozygotes fascinent de par leur extrême ressemblance physique. D’ailleurs, toutes les représentations stéréotypées de jumeaux font appel à des jumeaux identiques, au grand agacement de nos jumeaux fraternels ! Mais les jumeaux monozygotes sont-ils vraiment identiques pour autant ? En fait, la part de l’environnement par rapport à celle de la génétique (« l’inné »), joue un rôle extrêmement tôt dans le développement d’un individu, avant même sa naissance, dès sa conception, même ! Les jumeaux monozygotes auront la même couleur d’yeux, de cheveux, la même taille, la même constitution physique, … mais pas les mêmes empreintes digitales, par exemple ! De nombreuses différences peuvent être liées au flux sanguin placentaire, ou à l’environnement in utero, les pressions subies, etc… Mais c’est au niveau génétique que des variations vont apparaître petit à petit, et conduire à une différentiation progressive en profondeur de chacun des jumeaux. Quelques mutations sur l’ADN peuvent se produire chez l’un et pas chez l’autre, même si elles sont rares.

Mais c’est surtout un autre type de modifications que l’ADN subit en fonction de l’environnement, qui n’est pas toujours héritable, qui va accentuer les différences entre les jumeaux. C’est ce qu’on appelle l’épigénétique. Des étiquettes se greffent régulièrement en certains endroits de l’ADN, sous l’empreinte de l’environnement, pour signaler quel gène doit être activé préférentiellement dans telle ou telle circonstance. Dès la vie intra-utérine, l’activité des gènes, leur expression, peut ainsi varier du tout au tout en fonction de différences même mineures de l’environnement. Le développement de chaque fœtus se fait alors différemment, conduisant à des différences qui vont s’accumuler au cours de la vie et devenir de plus en plus fortes.

 

image_2021-01-31_213507.pngSi on a pu mettre en évidence le caractère génétique de nombreuses caractéristiques grâce à toutes les études sur les jumeaux (QI, tempérament, taille, prédisposition à certaines maladies, comme par exemple l’autisme, la schizophrénie, le cancer du sein, etc…), l’épigénétique et l’environnement peuvent avoir un impact considérable dans l’évolution de l’individu, et expliquent les différences entre jumeaux monozygotes, comme typiquement le déclenchement ou non d’une maladie, sa gravité, etc.  Certains généticiens s’amusent ainsi à s’étonner que les jumeaux monozygotes soient au final si ressemblants malgré tous les événements environnementaux et génétiques qui vont modifier leur génome au cours de leur vie !

En tout cas, qu’ils soient monozygotes ou dizygotes, nos jumeaux n’en sont pas moins des êtres uniques, avec leur propre personnalité. Et le lien très fort qui les unit leur donne souvent une complicité qui les façonne et rend leur aventure extraordinaire !

VB

Dossier réalisé à partir du livre « Les Jumeaux et leur Pédiatre » (Michel Dehan , Didier Lacombe , Pierre Cochat), et plus particulièrement les chapitres Zygosité et chorionicité des jumeaux : vous avez dit jumeau mono ou dizygote ? Mono ou dichorial ?, par François Audibert, et Génétique de la similitude et de la différence : données épigénétiques, par Benoît Arveiler, et Didier Lacombe.

Merci aussi à Papa Cube pour ses illustrations très pédagogiques